Manifeste du Mouvement

L’intention

Nous ne nous sentons pas représenté·es et nous n’avons plus envie de l’être. Aussi nous voulons nous engager directement dans une action transformatrice. L’intention de ce texte est de présenter, de manière relativement courte, quelques-unes des idées essentielles qui peuvent servir de colonne vertébrale à notre engagement collectif. Ce sont également des repères pour l’action, pour les synergies que nous souhaitons construire, pour les messages que nous souhaitons transmettre.

Nous commençons par évoquer notre rapport au travail, car il est central dans notre société, avant de faire la transition avec des considérations écologiques. Nous en arrivons ensuite à la nécessité d’une émancipation et d’une convivialité. Les pistes qui permettent d’aller dans cette direction s’appuient notamment sur les principes du commun et de l’auto-organisation. Enfin, nous esquissons ce que peut être l’action dans ce sens. L’exposé plus précis de notre mode d’action fait par ailleurs l’objet d’autres textes.

Le travail

Nous nous levons chaque matin pour aller travailler, et lorsque ce n’est pas le cas, nous devons nous justifier de ne pas avoir de travail. Mais nous n’avons pas l’occasion de nous interroger sur le sens de notre travail.

Nous remettons en question cette centralité du travail dans nos vies. Nous contestons cette place au travail en tant que moyen d’intégration sociale, et en tant que source de droits spécifiques.

L’adulation du travail telle que nous la vivons n’a rien à voir avec la célébration du travail concret, l’expression de nos talents ou les petites et grandes joies du travail bien fait. Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Ce qu’exprime l’adulation du travail, c’est la mise au centre de la vie sociale d’un travail abstrait. Peu importe ce que produit notre travail, ce qui compte, c’est le travail. Peu importe si nous souffrons au travail, ce qui compte, c’est le travail.

Autrement dit, peu importe que notre travail soit néfaste ou bénéfique. À la limite, on peut ne jamais s’être posé la question durant une carrière entière. Le travail dans notre société ne consiste pas d’abord en la réponse à des besoins concrets, mais en la création de valeur. La traduction la plus palpable de cette idéologie est la célébration de la croissance économique, indicateur vide de sens, qui met sur le même plan l’art et la guerre, l’éducation et la finance.

Notre première façon de sortir de cette adulation du travail abstrait, c’est de remettre du sens dans nos activités. C’est préférer faire des choses qui rapportent moins, si elles ont plus de sens. C’est refuser de mettre sur le même plan le soin aux autres et le calcul assurantiel, la cuisine et la conception d’armes, le piano et la célébration de rites funéraires.

C’est aussi affirmer qu’il est légitime de passer du temps hors du travail, en se consacrant à des activités politiques, sociales, artistiques, mais aussi à ne rien faire. Cela implique ensuite de pointer les scandales à l’intérieur du travail, en refusant la subordination, et le caractère hiérarchique et inégalitaire du travail tel qu’il existe. Nous devons enfin nous interroger sur nos besoins, que les firmes prétendent créer ou déceler en jouant sur nos affects.

L’écologie

Cette critique des besoins, de la société de consommation, c’est celle qu’a porté l’écologie politique. Comment continuer à ne pas voir, en effet, que poursuivre la logique d’une augmentation continue de la production a pour fondement l’adulation d’un travail abstrait, pour fondations la fabrication de nouveaux désirs, et pour conséquence la destruction des milieux naturels ?

L’écologie politique, ce doit être accepter que le raisonnement écologique ne s’arrête pas à défendre les milieux naturels, ou à enrayer autant que faire se peut l’emballement du climat. C’est aussi, nécessairement, remettre en cause le système qui est à l’origine de ces dérèglements.

Nous tenons aujourd’hui pour acquis qu’il existe un « progrès », et que ce progrès doit passer par une augmentation quantitative des technologies utilisées, des objets employés, et par le développement d’institutions publiques ou privées censées répondre de mieux en mieux aux grands défis de l’humanité. Cette croyance implique de produire toujours plus, et cette nécessité de produire plus empêche de prendre en compte les limites naturelles, mais aussi les désirs des humains entraînés dans cette fuite vers un progrès abstrait.

Or, l’idéalisation du progrès nous invite à accepter des aberrations commises en son nom, sous prétexte que sa marche inarrêtable corrigera d’elle-même ses défauts. Cette croyance s’incarne dans des politiques menées au nom d’un développement durable, d’une croissance verte, ou par le truchement d’une responsabilité sociale et environnementale qu’il s’agirait d’ajouter au-dessus de la logique préservée du profit et de la croissance.

D’un point de vue écologiste, cette correction a posteriori ne peut avoir lieu, car il existe un point au-delà duquel les institutions et les techniques censées servir un plus grand bien deviennent néfastes. C’est ce point que font franchir les politiques agricoles qui amènent à produire plus pour nous nourrir tous, mais qui en viennent à faire produire des denrées qui nous nourrissent moins, et qui, à petit feu, nous empoisonnent. C’est ce point que fait franchir la professionnalisation du sport, qui favorise les logiques de dopage et d’entraînement toujours plus intensifs, au détriment de la santé des sportifs. C’est ce point que franchissent nos villes chaque matin, où la multiplication de moyens de transport rapides comme les automobiles conduit à des embouteillages monstres, tout juste masqués par la douce fumée des pots d’échappement. Ce même point est franchi par le système scolaire, par les établissements qui hébergent les personnes âgées dépendantes, par notre système de santé en général et jusque dans notre spiritualité. Ce point est franchi lorsqu’est perdue la conscience de ces institutions censées répondre de manière bénéfique à nos besoins, permettant que « la corruption du meilleur engendre le pire ».

C’est pour cela que la critique écologique porte sur la logique même d’accumulation, et non simplement sur ses conséquences ; mais celle dans laquelle nous nous reconnaissons va aussi plus loin. Il ne s’agit pas pour elle d’interdire, mais de nous libérer.

L’émancipation

En effet, il ne s’agit pas d’imposer le respect de nouvelles contraintes au détriment de nos libertés, mais au contraire de nous inviter à reprendre notre liberté face à des impératifs qui s’imposent à nous. Non pas nous soumettre à de nouvelles régulations extérieures pour des considérations environnementales, mais retrouver le chemin d’un monde vécu où nos actes et leurs conséquences procèdent d’une intention et d’une compréhension active. C’est remettre de la conscience et du choix là où l’humain lui-même se comportait comme une machine.

Nous ne sommes pas simplement dominés dans notre travail, ou par le moyen de la violence. Nous sommes aujourd’hui essentiellement dominés dans nos désirs, dans l’expression de nos besoins, et jusque « dans l’image que nous avons de nous-mêmes ». Il s’agit donc de replacer l’analyse des dommages que nous pouvons causer à l’environnement et à notre santé au sein des grandes contraintes que nous nous sentons subir, ou que nous découvrons lorsque nous cherchons à faire autrement.

Le fait d’avoir un emploi, d’être un consommateur, d’aller à l’école, de s’intégrer au monde technologique et administratif nous apparaissent comme des évidences. On attend de nous que nous nous comportions ainsi, non pas ponctuellement, mais durablement. Or c’est en cherchant à faire autrement que nous nous rendons compte que ces attentes, ces modes de vie, ne font pas partie de ce qu’on peut choisir, réformer ou discuter.

Il existe mille façons de sauver la planète, mais une seule de nous émanciper pour nous libérer de ces contraintes. Nous naissons à nous-mêmes comme sujets, spontanément nous nous pensons libres, et nous découvrons que nous devons obéir, écouter plus que nous exprimer, appliquer plutôt que créer, être représenté dès lors que nous prétendons avoir un avis, avis aussitôt réduit en opinion populaire, quelconque, vulgaire.

Nous découvrons que notre liberté s’exerce dans un cadre étroit et, découvrant nos chaînes, douces ou froides, nous commençons par accepter notre sort, par apprendre comment ce monde fonctionne, par intégrer des règles qui nous sont étrangères. Mais bientôt nous nous révoltons, nous refusons, nous affirmons. Et alors seulement peut commencer la longue marche, jamais achevée, vers notre émancipation.

Ces considérations, éduqué·e·s comme nous le sommes, paraissent hors du monde de la politique. Or elles en sont le cœur. Qu’est-ce, en effet, que la politique, si ce n’est l’organisation de notre vie collective ? Ce n’est que cela, et la première expérience que nous en avons, c’est bien l’étrangeté d’avoir à nous y soumettre. Prise au premier abord, cette organisation de la vie se décline – entre autres – en une suite d’impératifs.

Parmi ces impératifs, il en est un qui prétend gouverner les autres, affirmant que parmi les valeurs, il est la valeur suprême. Il fait courir les marchandises d’un bout à l’autre de la planète ; il impose aux gouvernants d’exercer leur office en fonction de lui, aux maîtres d’enseigner ce qui peut lui servir, aux parents d’inviter leur progéniture à s’insérer en lui, aux paysans de se tuer seuls à la tâche ; il invite les femmes à se soumettre aux hommes, les peuples indigènes aux descendants de Barbares venus d’Asie centrale. Subrepticement, sans coup de force ni complot, sans entente ni machination, fétiche que les hommes se créent puis oublient qu’ils l’ont créé et qui ne peut être nommé que par sobriquets, indirectement, à travers ses lieutenants : travail, progrès, civilisation, développement, valeur, argent, mondialisation.

Notre émancipation en tant que sujet n’est donc pas qu’économique, elle est multiple, toujours en cours. Elle passe par la pensée, par des actes simples, par l’appropriation progressive d’idées qui semblent trop radicales, par la mise en œuvre progressive d’un détachement d’avec ce qu’on nous impose. Elle implique aussi de voir que ce « on » qui nous demande d’agir ainsi n’est ni un peuple, ni un puissant, ni un riche, mais une petite voix que nous avons intégrée et que les autres ne font que relayer plus ou moins en fonction de leurs opinions ou de leurs intérêts.

La convivialité

Notre émancipation individuelle s’incarne dans le refus de logiques qui nous paraissent pourtant naturelles. Elle se vit dans la recherche d’autres modes de faire, d’autres modes de vie, qui ne sacrifient pas au travail, à la production, qui tentent de s’extirper des logiques de domination en même temps que de la logique de l’accumulation.

Elle prend, vue de loin, l’allure d’une grande mutation collective. Celle-ci s’incarne de manière forte dans certains aspects de la vie, en remettant profondément en cause des impératifs qui ont pris l’apparence de la normalité. Elle se déploie avec plus ou moins de difficultés, selon notre marge d’action, mais aussi selon la maturité de nos réflexions. Elle bouscule notre façon de nous alimenter, nous pousse à réduire notre consommation, interroge notre conception de l’individu et de la place des collectifs.

Dans une certaine mesure, on peut considérer qu’elle conduit à un refus de la marchandise comme entité magique censée répondre à nos besoins, que ces marchandises soient fournies concrètement par une institution comme l’école pour le besoin d’éducation, ou par une entreprise quelconque, comme les supermarchés pour notre consommation courante. Elle prend surtout la forme générale d’une réappropriation collective d’aspects de nos vies que nous avions indirectement délégués à ces fournisseurs de marchandises. Elle consiste ainsi à recréer la possibilité d’une autonomie collective par rapport à nos besoins et à nos aspirations.

Cette réappropriation collective conduit à regarder différemment les différents outils que nous nous sommes créés : renforcent-ils notre capacité d’agir ou bien ruinent-ils notre autonomie ? Si l’accumulation d’institutions, d’objets ou d’instruments est contre-productive, alors nous sommes conduits à privilégier des outils conviviaux, dans le sens où ils participent à augmenter notre maîtrise du monde, notre capacité d’action et notre autonomie tant individuelle que collective.

Les communs

La remise en cause de cette logique de la marchandise et de l’accumulation industrielle au profit d’outils conviviaux est incompréhensible au premier abord. Nous avons en effet gardé en nous un biais contemporain qui nous est devenu naturel : celui de penser d’abord en termes économiques, comme si nous étions encore dans une période de rareté, d’insuffisance, de pénurie. Comme si tout changement risquait d’amener un appauvrissement économique, et que cet appauvrissement matériel était nécessairement périlleux, néfaste, voire mortel.

Il existe cependant un principe émergent qui permet d’aborder ces changements de manière positive, y compris en nous rassurant sur le plan économique. Ce principe est celui du commun. Ce qui est commun est inappropriable, ni par un public, ni par un privé. Il existe ainsi une alternative puissante au règne de la marchandise, qu’elle soit produite par une entité publique ou privée, par ces entités abstraites que sont le marché et l’État. En remplissant des fonctions que nous associons spontanément au travail, à l’économie, il s’agit en même temps de déplacer notre attention de la création de valeur vers la vie sociale et personnelle.

Nous créons des communs en agissant en commun, en décidant collectivement que certaines choses sont inappropriables, en même temps que nous instituons un droit d’usage de ces choses. Le commun suppose ainsi la co-activité : nous avons du commun car nous faisons et agissons ensemble. Le résultat de cette co-activité est immédiatement papable lorsqu’il s’agit d’un logiciel libre, d’une encyclopédie, d’une fabrication matérielle ou même d’une simple conversation à laquelle nous contribuons. Mais le commun est davantage qu’une manière de produire et concerne à la fois la gestion des ressources naturelles, l’organisation du travail, et l’organisation de notre vie collective.

À chaque fois, le mouvement vers les communs implique de redevenir responsables de l’impact de nos activités. Il s’agit de se réapproprier nos activités, de redevenir acteurs là où nous nous en remettions à des forces extérieures. Cela commence sans doute par s’éloigner des abstractions qui structurent notre rapport au monde : il ne s’agit pas de « travailler » mais de telle activité concrète, qui m’apporte tel bienfait, qui a telle finalité. Il ne s’agit pas de « l’État » mais de telle institution, fonctionnant de telle manière, dans tel but, et qui peut concrètement augmenter ma capacité d’action ou bien la réduire. Il ne s’agit pas de « la nature » mais de tel écosystème, où je m‘insère de telle manière, et où mes actions ont telles implications.

Car le commun lui-même implique d’abord un acte politique, collectif : celui de l’instituer comme commun. Il n’est pas de commun par nature, comme il n’est pas de propriété par nature, comme il n’est pas d’État par nature.

En invoquant le commun, on réactive l’idée de communauté. On revendique le fait de ne pas être simplement posés les uns à côté des autres, éventuellement soumis à des forces extérieures, sentant de manière diffuse que nous formons avec nos congénères individus quelque société. Nous voulons retrouver cette capacité d’action collective propre à la communauté humaine. Nous voulons retrouver ce lien, cette entraide, et du même coup cette finalité commune.

L’auto-organisation

Si nous ne sommes pas simplement posés les uns à côté des autres, c’est que nous sommes capables de nous lier et de nous organiser collectivement. Nous sommes capables d’habiter et d’investir un territoire, physique ou symbolique. Nous sommes capables de le connaître, de l’aménager, de le protéger.

Car en effet, tout groupe humain s’auto-organise. À force de confier notre destin à des institutions, la satisfaction de nos besoins à des marchandises et l’organisation de notre travail à des ingénieurs, nous l’avons oublié. Tout groupe humain est porteur de la possibilité à la fois de l’ordre et du chaos. L’absence de maître, de principe directeur, ou de pouvoir extérieur ne signifie pas que le chaos l’emporte. Nous avons laissé dominer une haine des hommes, qui entraîne qu’il faille les gouverner, renoncer à s’écouter soi-même, nous faire imposer un gouvernement.

Nous devons nous réapproprier nos territoires, et pour ce faire réapprendre à nous auto-gouverner. C’est ce à quoi nous invite la poursuite de la logique démocratique : l’idée de démocratie, si ambivalente, ne renvoie pas pour nous au vote mais à notre propre pouvoir. Si nous sommes incapables d’exercer notre souveraineté propre, il n’y a pas de démocratie possible.

À la puissance de l’homogénéisation du monde, qui fait se ressembler tous les lieux, qui crée un seul espace mondialisé, nous devons opposer la diversité, l’hétérogénéité, la singularité des territoires que seule permet l’auto-organisation concrète de la vie. Nous auto-organiser doit conduire à être originaux et singuliers, et non à appliquer une recette toute faite.

Nous devons pour cela écarter l’idée qu’il serait nécessaire de prendre une multitude de décisions sur une multitude de sujets, car nous le voyons bien : plus nous avons en apparence de choix à faire, plus nous sommes impuissants. Notre vie collective n’est pas un marché où nous pourrions choisir entre plusieurs scénarios. Chaque scénario ne serait alors qu’une des composantes d’une réalité complexe. L’existence d’une alternative véritable ne peut passer que par la construction originale de multiples alternatives radicales.

Si nous nous remettons à penser la vie comme le lieu de l’auto-organisation de communautés multiples, nous pouvons imaginer un monde qui ne soit pas que l’extension jusqu’à la mort de la forme de la marchandise à tous les aspects de la vie. Nous pouvons imaginer un monde qui ressemble davantage à une gigantesque controverse où chaque groupe se répond en inventant des formes toujours nouvelles d’existence. Un tel monde ne serait pas une utopie merveilleuse, mais simplement le prolongement de l’histoire humaine, qui dépasserait les caractéristiques fondamentales de la période actuelle.

Il s’agirait pour nous de nous sentir de nouveau responsables, responsables de nos actions individuelles mais aussi des conséquences graves du développement de notre modernité occidentale à l’échelle globale. Nous ne pouvons simplement dire que ce système nous est extérieur.

L’action

Notre forme d’existence est un tout : nous en tant que sujets modernes, qui ressentons notre propre narcissisme, le vide à l’intérieur de nous ; nous en tant que membre de la société, qui ressentons le manque de lien social, qui nous sentons étrangers à nos voisins, nous en tant que membres de nos familles ; nous en tant que sujets d’un État qui prétend prendre nos existences en main, s’occuper de nous tout en nous contrôlant, en usant de la persuasion comme de la force ; nous en tant que membres d’un système économique, qui travaillons pour produire de la valeur, qui consommons pour accroître la valeur produite ; nous en tant que spectateurs d’un pouvoir qui domine à mesure que nous nous séparons d’avec le monde que nous produisons.

Le drame que nous ressentons est que nous nous vivons comme séparés de notre monde, car ce que nous construisons ne nous appartient pas, ce que nous habitons nous ne nous le concevons pas, et le monde humain qui nous entoure n’est alors qu’un spectacle purement extérieur où nous devons trouver notre place comme acteur. Ce dont nous rêvons est finalement d’une puissance illimitée, ou plutôt d’une apparence illimitée, et l’inaccessibilité de ce rêve nous pousse à nous endormir, nous contenter de la passivité. Notre passivité est consommation, excitation, lassitude.

Avant de lutter nous devons reconstruire. D’abord nous reconstruire. Car nous ne sommes pas extérieurs à ce que nous prétendons combattre.

Il nous faut reconstituer de petits royaumes, rétablir notre souveraineté sur notre temps personnel, sur de petites zones sur laquelle nous pouvons faire prospérer un demain. C’est de là que nous pouvons ensuite, ici et maintenant, construire notre société. Non pas une société idéale, mais une société qui nous corresponde, dans laquelle nous ne serions pas étrangers à nous-mêmes.

Nous vivons, dans le même temps que nous faisons cela, des menaces auxquelles nous avons à résister. Nous vivons aussi une gigantesque crise, qui est la crise de notre modernité, et qui menace notre survie en raison des dégâts environnementaux, sanitaires, et des perturbations géopolitiques et sécuritaires qui l’accompagnent.

Notre action n’a donc pas vocation à être uniforme, monochrome : elle peut être tantôt lutte et tantôt résilience, résistance et transition, en synergie avec les autres et originale, ouverte et radicale.

Pour aller plus loin
Auteur : Clément Barailla

Bibliographie, citations et références :

Sont cités directement notamment dans la partie « l’écologie », Ivan Illich, dans son livre d’entretien avec David Cayley, La corruption du meilleur engendre le pire, et dans la partie « l’émancipation » André Gorz, Écologica, qui sont aussi mobilisés indirectement pour d’autres ouvrages, notamment Une société sans école, La convivialité pour Illich et Misères du présent pour Gorz.

Sont cités indirectement notamment Karl Marx, principalement les livres 1 et 3 du Capital et Introduction à la critique de l’économie politique ; Jacques Ellul, La parole humiliée ; Guy Debord, La société du spectacle ; Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale ; Robert Kurz, Le capital-monde et Krisis, Manifeste contre le travail ; Anselm Jappe, Les aventures de la marchandise, La société autophage ; Murray Bookchin, Notre environnement synthétique ; Pierre Dardot et Christian Laval, Commun ; Normand Baillargeon, L’ordre moins le pouvoir, Mark Hunyadi, La tyrannie des modes de vie.