Ce poème de Julien Soubeste résonne si juste après un week-end d’enthousiasme populaire et patriotique commémorant les gloires d’hier et les victoires d’aujourd’hui nous ressentons de nouveau la puissance du collectif et l’enivrant bonheur de l’amour des siens. Mais ce doux rappel doit aussi graver en nos esprits que nos gloires, passées, présentes ou à venir, ne seront jamais l’oeuvre des tyrans et malveillants usant et s’appropriant nos œuvres à leurs fins de domination sur nos cœurs et nos corps. 

***

Alors que le soleil orne les régiments,
Et fait sur la marée des écailles brillantes,
¡ Que de bottes cirées et d’armes rutilantes ¡
On félicite en chœur le tableau triomphant.

Quel spectacle exaltant que toutes ces épées,
Ces uniformes, ces destriers, ces machines,
Ou chacun est soigné, a l’allure si fine,
Les masses ont accouru pour le défilé.

Au beau milieu des trots, élevé sur son siège,
Tel le héros d’un temps, concentrant les regards,
Illustre et rayonnant, se pâmant sur son char,
Le président sacré magnifie son cortège.

Pendant ce déploiement d’une splendeur unique,
Le peuple se réjouit de la très grande armée
Et tous, dans les drapeaux et les mains agités,
¡ Crient : Vive la Nation, vive la République ¡

Car la fierté des corps, la droiture des torses,
La netteté des rangs, le strict alignement,
Confèrent aux légions un squelette vivant,
Et donnent à sa marche une terrible force.

Car des balancements des bras en synchronie,
Aux dextres mouvements des jambes en mesure,
Des pas à l’unisson à la cadence sûre,
Emane l’harmonie, la parfaite eurythmie.

Et le peuple debout contemplant la beauté
De la cérémonie, fouetté par sa puissance,
Ne peut que fasciné, exprimer son silence ;
Et se courber plus bas au plaisir de l’armée.

Peuple ¡ En haut on te craint, les oppresseurs te flattent
A la tribune on crie ta souveraineté,
Mais qui est à l’honneur ? C’est l’armée célébrée ¡
Et pour te contrôler, on s’empresse on se hâte ¡

Et la traitrise est pire en faisant miroiter,
Que cette fête est tienne et qu’on t’y rend hommage,
Alors que les puissants ont trouvé bien plus sage,
De se réconcilier pour mieux t’amadouer.

Le quatorze-juillet c’est la statue vernie
D’une histoire sacrée qu’on dévie de son sens,
Confisquée par les grands qui masquent sa substance.
Que défilent l’armée et les chefs réunis ¡

Défilez, Président, parmi votre colonne,
Défilez, fièrement parmi vos belliqueux,
Ceux qui obtempérant feront mille et cent gueux,
Et jouissent du galon sur l’air du pas qui sonne.

Défilez, Président, en maitre militaire,
Roulez sur les pavés parmi les médaillés,
De votre char romain contemplez bras levés :
Le peuple prosterné salue son Jupiter ¡

J.S.