Faute d’avoir réellement un impact possible sur le monde qui nous entoure, on n’a pas d’autre choix que d’en être le spectateur. Mais heureusement pour nous, le spectacle est magnifique.
Les hommes politiques sont en forme ce soir. Ils déroulent leur show, face aux professionnels des questions qui orchestrent de savants retournements de situation, où les politiques sont forcés de reconnaître qu’ils ne sont pas tout à fait les experts qu’ils prétendent être, mais qu’importe ! L’important, c’est de parler bien, d’articuler, de faire des phrases courtes et percutantes, de dérouler les éléments de langage, de rappeler qu’on sert l’intérêt général et la République et, qui sait, les générations futures.
Le spectacle ne s’arrête pas là, heureusement. Arrêtez-vous un instant, appuyez sur un bouton. Grâce à l’argent, à la technologie, au progrès, tout est à portée de main. Vous pouvez vivre comme des bébés, nourris au sein de marchandises transportées à dos d’hommes à vélos. On nous promet de telles merveilles, et bien d’autres encore. De belles images nous racontent que nous avons besoin de si peu d’argent pour jouir si bien de beaux voyages, d’appareils magiques, et d’autres merveilles encore.
Nous, pauvres hères, sommes obligés de travailler pour nous offrir tout cela – et même pour nous nourrir, notez bien ! Mais nous bénéficions du spectacle de ceux qui n’en ont même plus besoin – ceux qui travaillent dans le spectacle, le show-biz.
Nous regardons les images de l’État de droit qui se rétablit dans les fumées des grenades glissant sur un vague bocage humide, matraquant des hommes noirs dans les Alpes, des chasseurs frappant des cibles chimiques très ciblées et très chimiques, puis des images de corps qui s’enlacent, et nous éprouvons le même plaisir coupable.
On nous montre des gens enfermés dans des lofts, ou mis dans des situations impossibles sur quelque île paradisiaque, sur des yachts, puis dans la jungle, puis encore dans des lofts, puis dans des académies de chant et de danse, puis sur la plage, puis dans des lofts encore. On nous montre des courbes, des usines qui ferment, de pauvres gens qui n’ont plus de travail et des directeurs de ressources humaines expliquer que les gens qui se suicident en se jetant de leur fenêtre avaient des problèmes personnels. On nous montre la puissance de L’État, la puissance de l’Économie, et puis surtout la puissance de l’appli de rencontres pour célibataires exigeants, et puis des coachs sportifs exigeants, des ministres exigeants, des recruteurs exigeants, des consommateurs exigeants.
On nous montre les belles images de la marchandise qui se déploie sous nos yeux, on nous incite à devenir nous-mêmes spectacles, on capte notre attention en ajoutant toujours quelque chose à voir, toujours quelque chose à acheter, à regarder. On nous incite à nous montrer, à se filmer, à noter nos expériences, à ne pas manquer.
Mais tant qu’à ne pas vivre vraiment, autant regarder !
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